dimanche 13 octobre 2013

Vertige littéraire (Anamnèse de Lady Star)


« Anamnèse » vient, d’après le dictionnaire Larousse, du grec anamnêsis, « action de rappeler à la mémoire ». La mémoire, celle du lecteur comme celle de la science-fiction française, sera sans nul doute marquée en profondeur par la lecture d’ « Anamnèse de Lady Star » de L. L. Kloetzer. Ce roman nous rappelle l’infinie richesse offerte par la littérature de science-fiction et la littérature en général. « Anamnèse de Lady Star » est un champ ouvert d’idées, qui ne sont pas seulement inventives, innovantes, mais qui nous parlent aussi et nous touchent. Le roman en foisonne tellement, et est d’une telle originalité, qu’il devient impossible à résumer. Ce roman appartient à ces œuvres dont la lecture ne peut s’oublier, car elles nous confrontent, par leurs prouesses, au mystère de leur (heureuse) rédaction.  C’est aussi le genre d’œuvre qui semble ne pouvoir exister qu’en littérature, seul média assez complexe pour être capable de transmettre la construction mentale imaginée par son auteur.
Pour essayer d’évoquer ce dont parle le roman, il faut peut-être partir de son titre : il est effectivement question de mémoire dans « Anamnèse de Lady Star ». En simplifiant à l’extrême, le roman part d’un futur que l’on peut qualifier de « post-apocalyptique » où la Terre a été ravagée par une épidémie d’un nouveau genre, déclenchée par une bombe d’un type inédit. « Nouveau » et « inédit » m’empêchant ici de vous en dévoiler plus sur des idées qui le sont bel et bien (nouvelles et inédites). 51 ans après cet événement zéro, c’est l’histoire d’une enquête, menée par une étudiante en archéologie, dans les comptes-rendus du procès de l’inventeur de cette arme et de ses collaborateurs. C’est l’histoire d’une traque, celle d’une femme mystérieuse, qui aurait été la muse du concepteur de la bombe. Parfois appelée Hypasie, c’est possiblement la « Lady Star » du titre.
Des mystères, le récit en regorge, malgré (ou à cause de) la densité d’informations contenues par la prose de L.L. Kloetzer. Toutefois, ces énigmes ont toutes Hypasie pour point focal. Cet insaisissable personnage est un vide au cœur de l’intrigue, un trou noir autour duquel tourne et s’engouffre tout le roman. Ainsi que le lecteur. « Anamnèse de Lady Star » est une histoire qui se réinvente à chaque chapitre, qui mute sous les yeux du lecteur, jusqu’à ce que celui-ci se rende compte que cette histoire, qu’il croyait écrite par L.L. Kloetzer, il en est aussi l’auteur.
Cependant, ce roman n’est pas seulement une métaphore de l’acte de création littéraire, ou de la création tout court. Il ne saurait non plus être réduit à une réflexion sur l’articulation entre passé et Histoire ou sur les univers virtuels, bien qu’il contienne les pages parmi les plus belles et émouvantes écrites à ce sujet. C’est d’abord une œuvre qui parle de notre présent, et de la plus grande peur du XXIème siècle.
C’est tout simplement d’une formidable intelligence.

« Anamnèse de Lady Star » de L. L. Kloetzer[1], aux éditions Denoël, collection Lunes d’encre




[1] Il fallait bien deux esprits pour bâtir une telle construction littéraire. L. L. Kloetzer est en effet un auteur double, Laurent et Laure. Le duo avait déjà signé un roman remarqué pour son originalité, « Cleer, une fantaisie corporate » en 2010.

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